Il n’y a, pour ainsi dire, pas de transformation qui ne produise un nivellement, qui ne favorise, directement ou non, le cheminement de la société vers un état de choses complètement égalitaire.
« Comme l’abandon de la courtoisie se fait peu à peu, ce mouvement est impalpable et l’on ne s’en rend compte, avec surprise, que lorsqu’il arrive à certains extrêmes »
Chacun d’entre nous est témoin d’une multitude de faits, sans connexion entre eux, qui introduisent de petites modifications dans la vie de tous les jours, en un sens toujours plus égalitaire.
Ainsi en est-il, par exemple, des rapports entre professeurs et élèves. Il n’y a pas si longtemps, le respect dû envers l’enseignant se manifestait de plusieurs manières : on se levait lorsqu’il entrait dans la classe ; personne n’aurait gardé une casquette sur la tête ni ne se serait adressé à lui de façon grossière.
L’inégalité entre professeur et élèves est une inégalité juste et nécessaire, qui s’érode depuis mai 1968. Peu à peu, l’autorité du maître disparaît, il cherche à n’être qu’un gentil camarade de plus, au même niveau que les autres, et l’élève, la plupart du temps, ne suit que son bon plaisir. Cependant, ces changements se sont produits de façon graduelle et la majorité des gens ne s’est pas rendu compte que l’enseignement souffrait une modification radicale. Il en va de même des règles de politesse et de savoir-vivre. Oui, un jeune doit se lever dans les transports en commun pour céder sa place à une personne plus âgée, de même qu’un homme s’efface pour laisser passer une dame ou lui tient une porte. Ces marques d’éducation, qui deviennent chaque jour plus rares, affirment aussi des inégalités, justes et nécessaires. Mais comme l’abandon de la courtoisie se fait peu à peu, ce mouvement est impalpable et l’on ne s’en rend compte, avec surprise, que lorsqu’il arrive à certains extrêmes.
Or, c’est dans tous les espaces de la vie que des changements sont introduits, toujours dans le sens de niveler et d’abolir des manifestations utiles de prééminence ou de supériorité. La somme de ces altérations forme une révolution, mais elle passe inaperçue de la plupart, car chaque petite transformation est susceptible de trouver une justification ponctuelle. Cette révolution égalitaire n’explose pas comme une bombe, elle est impalpable, tel un gaz anesthésiant répandu dans l’air.
Comme on va le voir ci-dessous, l’égalitarisme se glisse dans des domaines comme les aspects extérieurs de l’existence, comme la façon de vivre en société, ou encore dans le champ économique, politique, religieux, international, culturel, et même dans les rapports entre les hommes et Dieu.
À tel point que le fait le plus marquant de notre époque est sans doute ce qui semble être l’aboutissement d’une vaste révolution, laquelle oriente à son profit le cours des événements en un long processus, parfois graduel et subtil, parfois déclaré et brutal, prétendant instaurer l’égalité totale sur la terre.
Cet immense mouvement, qui est en marche depuis plusieurs siècles, forme un puissant courant qui avance sans cesse, alternant les remous lents et profonds, les sauts brusques et rapides et les passages de calme apparent.
Quelques exemples d’avancées du mouvement égalitaire universel
Dans les aspects extérieurs de l’existence, on note que la différence naturelle entre les sexes tend à s’estomper. Les modèles masculins qui s’avancent dans les défilés de mode sont très souvent androgynes, arrivant à un tel extrême qu’un homme très féminin présente des collections de robes de mariée. En même temps, l’image de la virilité est soit dévalorisée, soit détournée et invertie.
Quant aux femmes, il y a bientôt un siècle qu’ayant coupé leurs cheveux « à la garçonne » elles ont commencé un cheminement qui les conduit aujourd’hui, en grand nombre, à se vêtir comme si elles étaient des hommes, au nom d’une fausse « libération », renonçant ainsi à l’élégance, au charme, à la délicatesse féminine. Et c’est en proclamant leur conception erronée de l’égalité que les groupes de pression faisant le prosélytisme des actes homosexuels cherchent à imposer depuis plusieurs années la reconnaissance sociale de leurs pratiques.
Par ailleurs, la différence entre les âges, loin de s’affirmer, est réduite le plus possible. L’idéal du père à la mode est d’être « le meilleur copain » de son fils. Des grands-parents « dans le vent » n’hésiteront pas à s’habiller comme des adolescents et à se comporter avec la même spontanéité que leurs petits-enfants manquant de maturité.
Toujours dans les aspects extérieurs de l’existence, on constate que les voitures se ressemblent toutes et se fondent en une banalité uniforme et monochrome. Les bâtiments modernes, dans le monde entier, sont identiques. Il n’y a rien de plus tristement semblable qu’une barre d’immeubles dans la banlieue de n’importe quelle ville de n’importe quelle contrée. Les tours de bureaux, même lorsqu’elles sont parfois extravagantes, ne permettent pas de savoir si l’on se trouve à Paris, à Boston, à Shanghai ou à Buenos Aires. Toutes les zones commerciales modernes se ressemblent, non seulement dans toutes les régions d’un même pays, mais aussi sous toutes les latitudes, bien au contraire des boutiques traditionnelles de centre-ville.