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CHAPITRE I – Réfutation d’objections préalables

CHAPITRE I

Réfutation d’objections préalables

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Messe pontificale dans la basilique Saint-Pierre

Lors du départ d’un train, le bon ordre des choses veut que le conducteur et les passagers occupent leurs places respectives, que le chef de gare donne le signal du départ et qu’enfin le train se mette en route. Un travail intellectuel suit normalement un ordre analogue. Sont d’abord exposés les principes préliminaires et leurs critères justifiés si nécessaire, puis l’on passe au corps doctrinal de l’ouvrage.

Mais lorsque de nombreux lecteurs semblent psychologiquement prévenus contre la matière à traiter, ou marqués par des préjugés très enracinés à son égard, la situation s’apparente à celle d’un conducteur qui voit — tous les passagers s’étant installés —les rails hérissés d’obstacles. Le voyage ne commence plus avec le départ du convoi mais par la levée préalable des obstacles. Le champ ne sera libre qu’ensuite.

De la même façon, les oppositions au thème de cet ouvrage— ou plutôt, les partis pris qui imprègnent la mentalité d’un grand nombre des lecteurs à propos de la noblesse et des autres élites traditionnelles — sont telles que le sujet ne saurait être abordé sans qu’elles ne soient levées.

Voilà expliqué ce qui pourrait paraître étrange et inhabituel dans le titre et le contenu de ce premier chapitre.

1. Sans préjudice pour une action juste et ample en faveur des ouvriers, action opportune en faveur des élites

Il est inutile de rappeler que l’on parle beaucoup aujourd’hui des revendications sociales en faveur des travailleurs manuels. Cette sollicitude est en principe hautement louable et digne de l’appui de tout esprit droit.

Insister de façon unilatérale en faveur des ouvriers, sans se pencher sur les problèmes et les nécessités des autres parfois cruellement atteints par la crise contemporaine, revient pourtant à oublier que la société se compose de différentes catégories sociales, aux fonctions, droits et devoirs spécifiques, et non seulement de travailleurs manuels.

La formation dans le monde entier d’une seule société sans classes est une utopie, thèse invariable des mouvements égalitaires éclos successivement en Europe chrétienne à partir du XVe siècle. Cette thèse est de nos jours défendue surtout par les socialistes, communistes et anarchistes (1).

(1) Cf. Plinio CORRÊA DE OLIVEIRA, Révolution et Contre-Révolution, Editions Catolicismo, Campos, 1960, Ire partie, chapitre III n° 5, et chapitre VII n° 3.

Les TFP et Bureaux-TFP répandus en Europe, dans les trois Amériques, en Océanie, Asie et Afrique sont très favorables à toutes les améliorations souhaitables de la condition ouvrière ; mais ils ne peuvent admettre que de telles améliorations impliquent l’extinction des autres classes, ou une diminution quelconque de leur signification, devoirs, droits ou fonctions spécifiques en faveur du bien commun, ce qui équivaudrait à leur extinction virtuelle. Chercher à résoudre la question sociale en nivelant toutes les catégories sociales au bénéfice illusoire d’une seule, c’est provoquer une véritable lutte des classes puisque les supprimer toutes au profit exclusif de la dictature de l’une d’entre elles — le prolétariat — c’est placer les autres devant une seule alternative : la légitime défense ou la mort.

On ne peut attendre des TFP qu’elles soutiennent ce processus de nivellement social. En opposition avec les propagateurs de la lutte des classes — et en collaboration avec les multiples initiatives qui se développent aujourd’hui en faveur de la paix sociale, par un juste et nécessaire appui aux ouvriers — tous nos contemporains bien orientés ont le devoir d’agir pour l’ordre social, contrairement aux agissements socialistes ou communistes qui recherchent la tension et, finalement, l’explosion de la lutte des classes.

Pour qu’existe l’ordre social, il faut qu’à chaque classe soit reconnu le droit de vivre dans la dignité ; et que chacune d’entre elles, respectée dans ses droits spécifiques, soit en mesure d’accomplir les devoirs qui lui incombent dans le service du bien commun.

En d’autres termes, il est indispensable que l’action en faveur des ouvriers aille de pair avec une action symétrique en faveur des élites.

Si l’Eglise s’intéresse à la question sociale, ce n’est pas parce qu’Elle n’aime que l’ouvrier. Elle n’est pas un parti travailliste fondé pour protéger une seule classe. Elle aime, plus que chacune des différentes classes — considérée isolément et sans lien avec les autres — la justice et la charité, qu’Elle s’emploie à faire régner parmi les hommes. C’est pourquoi Elle aime toutes les classes sociales… même la noblesse, tant combattue par la démagogie égalitaire (2).

(2) Cf. Chapitres IV et V.

Ces considérations conduisent tout naturellement au thème de ce livre. Pie XII reconnaît en effet à la noblesse une mission importante et particulière dans l’ensemble de la société contemporaine ; mission qui, commentée plus loin, concerne de façon analogue et dans une large mesure, les autres élites sociales. Le Souverain Pontife traite ce problème dans les treize allocutions magistrales prononcées lors de la présentation des voeux du nouvel an, concédées au Patriciat et à la Noblesse romaine de 1940 à 1952 et dans une quatorzième en 1958 (3).

(3) Le Patriciat romain était divisé en deux catégories :

a) Les Patriciens romains, descendants de ceux qui avaient occupé, au Moyen Age, des charges civiles dans le gouvernement de la cité pontificale ;

b) Les Patriciens romains conscrits, appartenant à l’une des 60 familles que le Souverain Pontife avait reconnues comme telles dans une Bulle Pontificale spéciale, où elles étaient citées nominalement. Ils constituaient le summum du Patriciat romain.

La Noblesse romaine était elle aussi divisée en deux catégories :

a) Les nobles, descendants de feudataires, c’est-à-dire de familles qui avaient reçu un fief du Souverain Pontife ;

b) Les nobles simples, dont la noblesse provenait soit de l’attribution d’une charge à la Cour, soit d’une concession pontificale directe.

Les allocutions adressées par Pie XII au Patriciat et à la Noblesse romaine en 1952 et en 1958 comprennent tout ce que le Pape avait dit dans les précédentes.

Exceptionnellement, Pie XII en prononça une le 11 juillet 1944, pour remercier les familles de la Noblesse romaine d’une somme généreuse offerte pour les pauvres.

Entre 1953 et 1957, Pie XII n’adressa pas d’allocution au Patriciat et à la Noblesse romaine. 11 en reprit le cours en janvier 1958 mais mourut le 9 octobre de la même année.